Michèle Tribalat
Figaro magazine, 19 novembre 2005.
En commentant les émeutes en banlieue de l'année dernière, Michèle Tribalat, démographe à l'Ined, souligne non pas la défaite du modèle assimilationniste, mais son abandon.
Les émeutes des derniers jours ne signent pas, comme on le répète, l'échec de ce modèle. Elles en révèlent au contraire l'abandon. Non pas qu'après mûre réflexion sur la situation nous nous soyons tournés, en connaissance de cause, vers un modèle jugé plus adapté à la situation de la France d'aujourd'hui. La plupart de nos voisins étant en grande difficulté, on voit mal d'ailleurs où l'on aurait pu aller chercher l'exemple salvateur. La vérité est plus simple : nous n'avons plus de modèle du tout. Le modèle assimilationniste a été abandonné de facto depuis longtemps. Le vocable « modèle d'intégration à la française » a pu faire illusion. Aujourd'hui, c'est fini. Autrefois, la France demandait aux nouveaux venus d'adapter leurs comportements aux moeurs et usages français, en échange d'une inclusion dans une République aveugle aux différences, aveuglement facilité par l'atténuation de ces dernières. Nous habillions cette demande d'un discours universaliste flattant notre vanité nationale. Mais c'est bien ainsi que cela fonctionnait. La mixité ethnique était supportable parce que les zones de « frottement » s'en trouvaient réduites.
Pour qu'un tel modèle fonctionne, deux conditions sont indispensables. D'abord, il faut faire envie. On ne peut exiger d'immigrés et de descendants d'immigrés qu'ils deviennent un peu comme nous, lorsque ce que nous sommes, ce que nous avons accompli dans l'Histoire nous fait à ce point horreur. Pourquoi auraient-ils envie de s'identifier à un pays que l'on défigure en le présentant comme une collection de salauds ? L'assimilation exige que l'on s'aime. Le modèle assimilationniste peut difficilement survivre à la disparition à peu près générale du patriotisme. Il est condamné lorsque celle-ci se double d'un désamour pour la France. On ne peut faire aimer un pays que l'on a cessé d'aimer soi-même. Voilà ce qui nous revient dans la figure ces derniers temps. Par ailleurs, sans une certaine mobilité sociale donnant quelque réalité à l'idéal universaliste, l'assimilation ne peut fonctionner. Il faut avoir quelque chose de tangible à y gagner. Or, actuellement, la France, par le chômage massif qu'elle connaît et qui touche préférentiellement les populations d'origine maghrébine, ne fait plus rêver.
Enfin, ce modèle n'est plus porté par les hommes politiques depuis de nombreuses années. L'assimilation est devenue, pour beaucoup, inacceptable. La mutation des droits de l'homme en cours, en étendant le caractère universel de l'être humain à la personne comme membre d'une communauté, pose désormais la question des « droits culturels ». Tout projet de transformation, et l'assimilation en est un, est regardé comme un obstacle à la liberté des individus de choisir librement leur affiliation culturelle. L'assimilation est vue comme un processus de domination culturelle. En résistant à l'adaptation des modes de vie, les cultures minoritaires importées apportent leur pierre au combat pour l'émancipation, nouvelle manière. L'assimilation est donc passée de mode. Les discours récurrents sur le modèle d'intégration à la française ne sont que radotages. Il est mort.
Il faut en faire le constat et en tirer toutes les conséquences. Il n'est guère envisageable de s'en sortir en abandonnant l'objectif peu avenant de l'assimilation tout en conservant celui, idéologiquement plus flatteur, de la mixité ethnique, souvent déguisé en mixité sociale. Le deuxième n'était acceptable par les classes populaires d'origine française qu'à condition que le premier soit plus ou moins rempli. On ne voit pas au nom de quoi l'on pourrait exiger de ces dernières qu'elles se dévouent pour maintenir l'apparence d'une continuité historique. Elles peuvent légitimement aspirer à vivre, elles aussi, dans un environnement homogène sans avoir à fréquenter des voisins dont elles désavouent les pratiques ou qu'elles jugent indésirables. L'abandon du modèle assimilationniste conduit à la segmentation communautaire. On ne peut garder le beurre et réclamer l'argent du beurre. Il faut aussi savoir que cette nouvelle orientation, jamais rationalisée, en normalisant la France dans l'environnement européen, ne la conduit pas vers des lendemains qui chantent. Tout d'abord, comme les difficultés de nos voisins sont comparables aux nôtres, la transition vers un nouveau modèle politique ne nous épargnera pas les émeutes, même si elles risquent d'être d'un autre genre, avec affrontements intercommunautaires, comme en Grande-Bretagne dernièrement. En outre, un modèle multiculturaliste n'est pas forcément le mieux à même de nous prémunir contre les ambitions de l'islam militant. Par ailleurs, cette transition va se révéler extrêmement difficile. Le peuple français, qui a été habitué au volontarisme de l'Etat, va avoir du mal à faire son deuil de sa centralité. Il risque d'être longtemps inconsolable de ne plus pouvoir asseoir son identité sur l'identité nationale. Enfin, les hommes politiques auront à tracer les limites acceptables à ce nouveau modèle multiculturaliste, sauf à consentir à ce que cette transition se résume à une dérive « au fil de l'eau », ce qu'elle est aujourd'hui.
Les politiques nous ont longtemps rassasiés de discours vantant les mérites du modèle d'intégration à la française. On se glorifiait beaucoup d'échapper ainsi aux émeutes à l'anglo-saxonne. Plus personne, désormais, ne pourra se réfugier dans une pareille illusion.
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à propos de l'idée de "modèle d'intégration", lire le manifeste récemment paru "Nous ne sommes pas des modèles d'intégration": http://lesrageuses.blogspot.com/2008/09/manifeste-nous-ne-sommes-pas-des-modles.html
Rédigé par : une rageuse | 21 septembre 2008 à 22:07
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Il n'y a vraiment pas d'autre mot pour cela, mais génial! Tout simplement génial! Après avoir lu votre tutoriel, je veux aller dans mon atelier et tous les
Je vous remercie pour l'idée:)))
Rédigé par : paris hilton | 28 mai 2010 à 19:47